Dans une étude publiée en février 2021 dans la revue Quaternary Science Reviews par Théo Tacail avec notamment la collaboration d’Estelle Herrscher du LAMPEA, une équipe internationale de chercheurs a validé une nouvelle méthode pour suivre l’évolution de la consommation du lait animal par les populations humaines depuis les débuts de l’élevage au Néolithique. En analysant les abondances des isotopes du calcium des restes osseux, cette méthode permet de quantifier la consommation de produits laitiers au cours de la préhistoire et de l’histoire.
Si l’histoire de la production et de l’utilisation du lait animal à travers le temps et l’espace des produits laitiers est connue grâce à l’étude des restes des animaux domestiqués ou encore des traces chimiques laissées par le lait dans les poteries utilisées par ces populations, elle reste incomplète car des questions sont encore sans réponses :
- Quelle importance avaient les produits laitiers dans l’alimentation des populations passées ?
- Les quantités de produits laitiers consommés ont-elles changé d’une population à une autre ou encore d’un groupe social à un autre au sein d’une même société ?
Pourquoi le calcium et ses isotopes ?
Le calcium des produits laitiers est, en comparaison avec d’autres sources alimentaires de calcium, riche en isotopes légers du calcium. L’objectif de cette étude a donc été testée si des humains consommant de fortes proportions de produits laitiers dans leur alimentation totale avaient des os riches en isotopes légers du calcium.
Cette hypothèse a été testée en comparant les rapports en isotopes 44 et 42 du calcium de l’os de populations humaines aux habitudes alimentaires contrastées : des groupes ne consommant pas de produits laitiers ont été comparés à d’autres consommant de fortes proportions de calcium venant des produits laitiers.
Cette étude montre que les isotopes du calcium reflètent bien les différences connues de consommation des produits laitiers entre ces différentes populations. Autrement dit, les rapports entre les isotopes 44 et 42 du calcium de l’os diminuent quand les individus consomment plus de produits laitiers. Ces résultats permettent ainsi de valider l’utilité des isotopes du calcium pour l’étude quantitative de la consommation des produits laitiers dans les populations passées.
Évolutions des compositions en isotopes du calcium de l’os de populations ne consommant pas de produits laitiers (à gauche) et de populations pratiquant l’élevage depuis les débuts de la domestication jusqu’à nos jours (à droite).
Résultats
L’étude montre que contrairement aux groupes ne consommant pas de produits laitiers – dont les rapports en isotopes du calcium restent stables – les populations pratiquant l’élevage eu Europe ont connu une augmentation progressive de la part des produits laitiers dans leur alimentation, reflétée par une diminution progressive de ces rapports isotopiques dans leurs os.
A titre d’exemple, les produits laitiers n’auraient commencé à représenter une part significative des apports en calcium qu’à partir de l’arrivée des éleveurs dans les Balkans, en Europe de l’Est et Centrale, il y a environ 7 000 ans, bien que la domestication des bovins au Proche-Orient ait débuté il y a près de 10 000 ans.
Publication originale :
Théo Tacail, Jeremy E. Martin, Estelle Herrscher, Emmanuelle Albalat, Christine Verna, Fernando Ramirez-Rozzi, Geoffrey Clark, Frédérique Valentin, Vincent Balter, Quantifying the evolution of animal dairy intake in humans using calcium isotopes ; Quaternary Science Reviews, February 2021.
Laboratoires impliqués
- Institute of Geosciences, Johannes Gutenberg University, Mainz, Germany
- School of Earth Sciences, University of Bristol, UK
- CNRS UMR 5276, LGLTPE, Univ. Lyon, ENS de Lyon, Univ. Lyon 1, France
- UMR 7269, LAMPEA, CNRS, Aix Marseille Univ., Minist Culture, Aix-en-Provence, France
- UMR 7194 Histoire Naturelle de l’Homme Préhistorique, CNRS, Muséum National d’Histoire Naturelle, Université Perpignan Via Domitia, Paris, France
- UMR 7206 Ecoanthropologie, MNHN, CNRS, UP. Musée de l’Homme, Paris, France
- EA 2496 Pathologies, Imagerie et biothérapies oro-faciales, Université Paris Descartes, Montrouge, France
- Dpt of Archaeology and Natural History, The Australian National University, Canberra, Australia
- UMR 7041-ArScAn-Ethnologie Préhistorique, CNRS, Nanterre, France
Vous trouverez un communiqué de presse sur le site de l’INSU-CNRS et sur le Twitter-INSU et celui du LAMPEA !