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ECCOREV | LOST

LOcalisation des Sites et Taphonomie : Risques archéologiques et naturels en Méditerranée

Direction  : Vincent Ollivier (LAMPEA)
Co-direction : Olivier Bellier (CEREGE)

Projet financé par la Fédération ECCOREV pour une durée de 2 ans (2020-2021)

Mots clés : Géomorphologie, archéologie, processus, morphogenèse, taphonomie, géochimie, Pléistocène, Postglaciaire, risques naturels, Méditerranée.

Résumé

 D’importants hiatus résident dans la répartition et la quantité de sites archéologiques de nombreuses périodes en Méditerranée.
 Les rythmes de sédimentation reconstitués sur les 50 000 dernières années dans cette région (Sud de la France, Maroc, Italie) laissent suggérer un impact important des processus morphosédimentaires sur la préservation et/ou destruction de ces sites.
 Toutefois, ces tendances morphogéniques associées aux variations bioclimatiques restent à préciser sur une résolution suffisamment haute pour envisager d’identifier dans le détail ce qui relève des interactions Homme-milieux ou des conditions taphonomiques dans la spatialisation, la présence ou l’absence des sites.
 Au travers d’une analyse géomorphologique la plus exhaustive possible (de l’échelle du bassin versant à l’échelle élémentaire) intégrant les corpus de données archéologiques et paléoenvironnementales disponibles et empruntant des pistes exploratoires en sédimentologie et géochimie afin de caractériser les milieux de sédimentation, les résultats envisagés permettront également de mieux décrypter la part des processus environnementaux complexes entrant en jeu dans l’existence, la compréhension et la caractérisation des risques archéologiques sur le terrain. Ce niveau détaillé de lecture permettra aussi de mettre en évidence certains évènements rapides (climat, crues, séismes, glissements de terrains…) ayant pu jouer sur la taphonomie des sites, les modes d’occupation humaines (risques naturels) et la façon dont les sociétés ont pu surmonter ou s’adapter aux changements environnementaux.

1-Contexte

Il n’est plus à démontrer que les impacts des changements environnementaux rapides ont une influence sur le développement des sociétés méditerranéennes depuis plusieurs millénaires (Le Roy Ladurie, 2009, Berger et Guilaine, 2009, Berger et al., 2016). De la même manière, les activités anthropiques et les modes d’occupation humaine ont joué un rôle dans les modalités de l’évolution paysagère (végétation, dynamiques morphogéniques) notamment en termes d’érosion et de bilans sédimentaires (Provansal, 1995, Veyret et al., 1998). Sans pour autant employer un raisonnement trop simpliste, déterministe et/ou catastrophiste (Morhange et al., 2014), ceci peut fréquemment s’observer dans les vestiges archéologiques et les séquences sédimentaires anthropiques ou naturelles (dans leur environnement proche). Parfois, certaines périodes sont absentes dans des contextes pourtant favorables aux occupations et pour des chronologies où les sociétés ne semblent pas rencontrer de réels obstacles à leur développement.
A titre d’exemple, la présence de sites paléolithiques de plein air semble relativement succincte dans le sud-est de la France, entre Alpes et Méditerranée (Bazile, 2007, Buisson Catil, 2004, Montoya et al., 2014). Pourtant, plusieurs secteurs semblent prometteurs et de nombreuses données géomorphologiques datées de manière absolue caractérisent des environnements et contextes climatiques propices aux occupations, et des dynamiques sédimentaires de dépôts à même d’en conserver des témoins (Ollivier et al., 2014, Sivan et al., 2018).

Le même constat peut être effectué pour les sites de plein air du Mésolithique et du Néolithique ancien (Sénépart, 2012). Certains piémonts, comme celui du Grand Luberon, voient leurs plus anciens sites connus ne remonter qu’au Néolithique Final malgré la présence de zones humides attractives depuis le Tardiglaciaire (Ollivier, 2006, Ollivier et al., 2015). Pour les périodes plus récentes de l’Age des métaux jusqu’au Moyen Age, des conditions morphogéniques méditerranéennes singulières (épisodes détritiques, stases…) affectent les sites (Provansal, 1995, Ballais et Crambes, 1992). Ces derniers sont marqués par des érosions, des enfouissements (…), en liens directs ou indirects avec des évènements hydrologiques extrêmes.

Quelles sont donc les origines de ces disparités, absences ou dégradations de sites ?

La morphogenèse méditerranéenne repose sur un climat spécifique et une généreuse orographie, dont les grands volumes montagneux résultent d’une efficace tectonique active à l’échelle des derniers millions d’années. Partout, l’érosion s’y exprime avec vigueur sous le jeu d’un rythme saisonnier contrasté. Une mosaïque de processus d’ablation peut être observée. Que ceux-ci soient liés aux périodes froides ou aux épisodes plus cléments, au cours de l’année ou des millénaires. Transports et dépôts sédimentaires répondent également à cette règle de la variabilité, dictée par la diversité des contextes environnementaux sur un territoire restreint. Les séquences et rythmes de sédimentations y sont discontinus et peuvent affecter brutalement les sites. Il y a bien là une spécificité méditerranéenne dont il est nécessaire de mesurer l’influence sur les risques archéologiques et naturels.
Des études géomorphologiques sont menées depuis de nombreuses années mais ces dernières sont souvent orientées sur les grandes tendances morphogéniques, les impacts plus globaux sur les sociétés, les reconstitutions climatiques… Aucune d’entre elles ne concerne les notions directes de risques archéologiques et de risques naturels plus localisés, pourtant déterminants pour appréhender les systèmes, comprendre les processus, définir des ordres d’amplitudes, de fréquences et de rapidité des évènements et aléas et de saisir leurs conséquences taphonomiques lato sensu.

2-Objectifs

Sur la base des reconstructions des dynamiques sédimentaires en contexte méditerranéen, comprendre les modalités de présence/absence des occupations ou de leur conservation sous le jeu des contraintes morphogéniques climatiques (et/ou climato-anthropiques) et conditions taphonomiques, avec comme corollaire un focus sur la part des évènements environnementaux brutaux ayant marqué la méditerranée et ayant eu des conséquences locales ou plus globales sur les sociétés de cette aire géographique.

Les rythmes de sédimentation reconstitués sur les 50 000 dernières années en Méditerranée (figure n°2) laissent bien suggérer un impact important des processus morphosédimentaires sur la préservation et/ou destruction de sites archéologiques (Ollivier, 2006).
Toutefois, ces tendances morphogéniques associées aux variations bioclimatiques restent à préciser, sur une résolution suffisamment haute et dans une variété de contextes, pour envisager d’identifier dans le détail ce qui relève des interactions Homme-milieux ou des conditions taphonomiques sous le contrôle d’évènements environnementaux (parfois brutaux) dans la spatialisation, la présence ou l’absence des sites.
Cette question doit a minima être traitée au travers d’une analyse géomorphologique de terrain la plus exhaustive possible (de l’échelle du bassin versant, de la couche archéologique, jusqu’au niveau élémentaire), intégrant les corpus de données archéologiques et paléoenvironnementales disponibles et empruntant des pistes exploratoires en sédimentologie et géochimie (afin de caractériser les milieux de sédimentation). Ce type d’approche permet de mieux décrypter la part des processus environnementaux complexes entrant en jeu dans l’existence, la compréhension et la caractérisation des risques archéologiques.
Dans le même temps, en bâtissant une grille de lecture délivrant un niveau détaillé de compréhension des mécanismes géomorphologiques, il est possible de mettre en évidence des évènements rapides (crues/inondations, séismes, mouvements de masse, érosions, sur-sédimentations, climats) impactant les modes d’occupation et correspondant à certaines dynamiques environnementales dont la fréquence et l’intensité impliquent des risques sur les sociétés depuis la Préhistoire. Sur cette base, il est également parfois possible d’obtenir une estimation de la part d’influence des activités anthropiques dans les dynamiques morphogéniques depuis la fin du Néolithique (érosion et détritisme, variations de faciès sédimentaires, Ollivier, et Ollivier et al., 2006).
L’analyse taphonomique des risques archéologiques et des risques naturels associées dans le cadre d’une recherche intégrée, contribue à la reconstitution des différentes étapes de l’évolution paysagère jusqu’aux évènements les plus ponctuels. Ainsi, une définition selon différentes échelles des conditions de préservation, de présence, de lacunes ou d’absences d’éléments fondamentaux (sites, restes,…) dans de nombreuses archives sédimentaires (naturelles et/ou anthropiques) en contexte méditerranéen peut être établie.

Des ouvertures vers le Maroc et l’Italie (Calabre, Sicile) seront considérées (sur la base de coopérations déjà effectives dans le cadre du programme A*MIDEX Watertraces, Polizzi et al., 2017 et 2019, ou des projets OT-med RiskMor et RiskMed, Ivcevic et al., 2019, et PICS LAMPEA-INSAP 2019-2021, Peuplement humains et mammaliens au Maroc, contribution dans les échanges trans-sahariens et méditerrannéens, figure n°3) afin de couvrir des sites à l’organisation paysagère proche (piémonts torrentiels) mais aux caractéristiques climatiques différentes de celles rencontrées sur nos sites de référence provençaux. Ceci afin de mieux discrétiser ce qui relève des paramètres plus globaux (climat, tectonique) de ce qui relève de mécanismes géomorphologiques auto cycliques (fonctionnement propre des systèmes hydrologiques, équilibres, seuils) ou d’aléas de fréquences plus variables (crues majeures, séismes, mouvements de masse…).

Méthodes

Les méthodologies employées s’inscrivent dans une forte volonté de fédérer les outils complémentaires entre instituts (Arkaïa et ITEM) et plateformes techniques (CEREGE et LAMPEA). Ces dernières relèveront principalement de la géomorphologie (analyses de terrain, morphostratigraphie, sédimentologie, physico-chimie, géochimie isotopique, géochronologie, systèmes d’information géographiques, reconstitution des données géologiques et géomorphologiques de surface et de sub-surface sous logiciel ROCKWORKS, etc.) en intégrant les approches et données paleoécologiques et archéologiques. Les données sur les taux de dénudations obtenues par nos équipes dans le cadre de programmes ECCOREV, OT-MED et de thèse réalisées au CEREGE (Godard et al., 2016, Godard et al., 2019, Thomas et al., 2017 et 2018) seront également intégrées car elles sont capitales pour mieux comprendre les modalités des cycles de l’érosion et de transfert sédimentaire.

Supports  : formations détritiques, formations carbonatées, séquences anthropiques

Outils : pXRF (Olympus Vanta C geochemical), Carottages (carottier russe), spectrocolorimétrie (Konica Minolta CM700d), Calcimétrie, granulométrie automatisée et image sizing par Analysette 28 Fritsch, micromorphologie, données cosmonucleïdes de Méditerranée (ASTER).