Laboratoire méditerranéen de préhistoire Europe Afrique (LAMPEA) — UMR 7269 — Université d’Aix-Marseille, CNRS, INRAP



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PARIS Frédéric — IRD

Chargé de Recherche - IRD

Contact : frederic.paris@ird.fr

Thèmes de recherche

 Géographie médicale : systèmes d’occupation de l’espace et développement des grandes endémies (onchocercose, trypanosomiase, fièvre jaune) en zone soudanienne (Burkina Faso, Nord Cameroun).
 Géographie du peuplement des vallées et des migrations : contexte historique (compétition territoriale) et écologique (risque agricole, risque sanitaire).
 Géographie culturelle : perception et construction religieuse de l’espace : espaces géosymboliques du terroir au territoire. Perception « traditionnelle » des maladies et des calamités naturelles : conséquences spatiales.

Recherches actuelles

Problématiques et thèmes du programme intitulé "Les vallées interdites"

La zone de climat soudanien (comprise entre les isohyètes 600mm et 1200mm) s’étend horizontalement du Sénégal à l’Ethiopie : le fait majeur et caractéristique de sa géographie humaine contemporaine est le sous-peuplement des vallées majeures et le surpeuplement des interfluves (ex. Plateau du Mossi). Ce phénomène fut attribué aux grandes endémies transmises par les insectes inféodés aux galeries forestières qui jouxtent les cours d’eau : citons les glossines pour la trypanosomiase humaine africaine, les
simulies pour l’onchocercose et le moustique Aedes Aegypti pour la fièvre jaune. Ces fléaux ont fait l’objet d’une lutte prolongée et efficace au cours du XXème siècle et la mise en cultures des vallées est actuellement en cours. Notre projet de recherche s’attache à comprendre pourquoi la "libération sanitaire" de ces territoires depuis 1974 – début du contrôle entomologique du vecteur de l’onchocercose Simulium damnosum s.l par l’OMS- n’a pas entraîné un habitat pérenne : seul le front des cultures a progressé vers
les vallées. Notre programme pluridisciplinaire associant la géographie, l’anthropologie, l’archéologie et les sciences environnementales tente de comprendre les fondements, la permanence et l’ancienneté de
cette attitude : il apparaît en effet, après une prospection des villages créés puis abandonnés depuis le 18ième siècle dans la vallée de la Bougouriba et du Mouhoun, que certaines importantes communautés aient pu durablement se développer à proximité des cours d’eau et cela bien avant le 18ième siècle.
Un inventaire systématique des faits d’occupation du sol sur le temps historique (depuis le 18ième siècle) devrait faire apparaître une typologie des modes d’habitat et des systèmes d’occupation de l’espace propres à chaque groupe ethnique. Ces différentes phases de peuplement et de systèmes
d’occupation et de gestion de l’espace doivent permettre de mieux comprendre la relation d’attraction/répulsion de l’Homme vers les vallées des cours d’eau majeurs. La dynamique de peuplement et de l’occupation de l’espace est abordée à l’échelle micro-régionale du bassin versant de la Bougouriba jusqu’à sa confluence avec le fleuve Mouhoun ( Sud Ouest du Burkina Faso).

D’autre part, une approche culturelle allant de la perception à la construction religieuse de l’espace - aux échelles emboîtées allant du terroir au territoire- est indispensable à la compréhension de ce phénomène : en quoi les conceptions géo-symboliques régissent t’elles les implantations préférentielles
de l’habitat, la densité de son semis, la morphologie des parcellaires cultivés et celles des terroirs ?

D’autre part, un volet anthropologique s’attache aux conceptions nosologiques et étiologiques "traditionnelles" des maladies endémiques, afin de mieux interpréter les réponses spatiales (mobilité de l’habitat) que les sociétés ont développé au cours des siècles passés. Il s’agit donc de préciser quel est le
poids respectif des facteurs environnementaux (sanitaires et écologiques) et des facteurs historiques qui ont abouti à la désertion totale des vallées constaté vers le milieu du XXième siècle ?
Au final, il s’agira de savoir si certaines modalités de gestion des terroirs riverains des cours d’eau pourraient contribuer à contenir le risque sanitaire à un seuil socialement tolérable et garantir ainsi un développement durable ?

Points forts des activités de recherche

 Toutes les enquêtes menées à l’échelle des villages sont longitudinales : plusieurs passages sont nécessaires pour compléter et recouper les informations issues des entretiens et les éléments découverts directement sur le terrain. Les traditions orales concernant l’histoire des migrations, l’histoire
événementielle pré et post-coloniale, les mythes et les chants de gloire des patrilignages sont enregistrées et traduites en langues vernaculaires par des alphabétiseurs compétents. Les récits historiques recueillis sont rendus en version bilingue (dagara-français, lobiri-français, birifor-français) aux
autorités villageoises qui décident de leur divulgation auprès des écoles primaires.
 Les toponymes des villages actuels et abandonnés, ainsi que ceux des lieux de cultes sont de même relevés et explicités. Nous insistons sur le caractère exhaustif de cet inventaire de l’habitat abandonné qui concerne tous les terroirs des villages actuels situés en position de front de peuplement
vers les vallées de la Bougouriba et du Mouhoun au nombre de 70.
 Le point fort de nos recherches est la constitution d’un Système d’Information Géographique (SIG) qui utilise aujourd’hui le logiciel Savane de l’IRD après avoir commencé avec le logiciel Mapinfo en 2002.Une base de données associe des variables historiques, géo-écologiques, démographiques et médicales tant pour les villages riverains des vallées actuellement habités que pour les sites abandonnés. La configuration spatiale des sites abandonnés est reconstituée via le géo-référencement par GPS des buttes anthropiques qui correspondent aux anciennes habitations familiales.
 De même le géo-référencement des lieux de cultes villageois permet de réaliser des cartes des géo-symboles qui balisent et structurent les terroirs. Le recueil de ces informations concernant la religion traditionnelle n’est pas aisé : nous travaillons dans un contexte de grande méfiance car les villages
demeurés animistes sont sujets aux pressions évangéliques de toutes obédiences. Il nous arrive d’être éconduit par les responsables des cultes, notre démarche scientifique étant perçue comme un ultime stratagème pour percer les secrets cachés de religions ouvertement jugées sataniques par les
catéchistes qui prêchent la conversion au christianisme. Une base de données iconographiques (photographies numériques) est associée à l’inventaire descriptif des sites d’habitat abandonnés et des principaux lieux de cultes.
 Un autre point fort concerne la reconstitution des dynamiques de colonisation des vallées par la photo-interprétation des clichés aériens de 1956, 1974, 1983 et 2000. Nous serons alors capables de mesurer objectivement sur 44 ans l’impact du programme OMS/OCP de lutte contre l’onchocercose réalisé à partir de 1974 sur la colonisation des vallées désertées.
F- Enfin sur le plan bio-géographique, une étude des parc arborés reliques des sites abandonnés et de la végétation protégée des lieux de cultes est confiée à des stagiaires botanistes (ingénieurs) des Eaux et Forêts et de l’Université Polytechnique de Bobo Dioulasso. Ces recherches visent à identifier des indicateurs végétaux permettant de dater la période d’abandon des sites et de préciser le type d’agriculture qui y était menée.

Bibliographie

Articles

PARIS F. "Chronique d’une endémie opportuniste. Développement rural et onchocercose au Nord Cameroun (foyer du Faro). In "Maladies émergentes et reviviscentes », Espace, Populations, Sociétés, 2000- 2, pp 241-252.