Laboratoire méditerranéen de préhistoire Europe Afrique (LAMPEA) — UMR 7269 — Université d’Aix-Marseille, CNRS, INRAP



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LabexMed | CHROMED

Chronologie et dynamiques des peuplements préhistoriques Méditerranéens et atlantiques au Maroc - ChroMed

Coordination
 Philippe FERNANDEZ - LAMPEA (Principal Investigator)
 Abdeljalil BOUZOUGGAR - INSAP (Co-Investigator)

Type de financement
APRIMED (Actions Programmées de Recherche Interdisciplinaire en Méditerranée) du LabexMed nº10-LABX-0090.
Période : 6 Octobre 2017 – 6 Octobre 2019
Dotation : 86 011 euros

Problématiques/objectifs

ChroMed est le résultat d’une collaboration issue d’une convention d’échange entre le CNRST-INSAP (Maroc) et le CNRS-LAMPEA (France) engagée dès 2001 (Dir : A. Bouzouggar et J. Collina-Girard). Ce programme structuré en 5 grands axes de recherche couvre la question centrale du cadre paléoenvironnemental de la dispersion d’Homo sapiens et le timing de sa présence dans le nord de l’Afrique en relation avec les deux grandes cultures qui lui sont associées : le Middle Stone Age (MSA/Atérien) et l’Ibéromaurusien (LSA) (s.l.). Malheureusement les séquences archéologiques des façades atlantique et méditerranéenne marocaines couvrant l’ensemble du Pléistocène supérieur (130 000 à 10 000 ans) sont encore relativement peu nombreuses et peu d’entre elles ont fait l’objet de campagnes de datations.

 ChroMed propose de pallier à cette lacune grâce à un programme de datations croisées dans l’Axe 1 combinant différentes méthodes de datations (14C, OSL, U/Th) afin d’établir un cadre chronologique robuste attendu par la communauté des africanistes. Pour cela, environ 70 niveaux/horizons stratigraphiques doivent être soumis à datations dans 3 séquences archéologiques de référence dans des contextes biogéographiques différents : la grotte de Bizmoune située dans un djebel de basse montagne (15 km nord-est d’Essaouira), les grottes d’El Khenzira (15km d’El Jadida) en contexte littoral atlantique et la grotte des pigeons à Taforalt près de la façade méditerranéenne en moyenne montagne (40 km au nord d’Oujda).
Au cours du Pléistocène, ces biomes terrestres se sont probablement profondément modifiés constituant ainsi des paléo-écorégions différentes largement soumises à la rythmicité des épisodes plus ou moins froid de la dernière glaciation comme en témoigne l’arrivée de grands mammifères d’origine strictement eurasiatique sur le sol africain (i.e : Sus scrofa, Stephanorhinus hemitoechus, Megaceroides algericus ; tous présents à Bizmoune). Si les modalités d’évolution/extinction ont été identifiées pour quelques taxons du Pléistocène inférieur et moyen (e.g. Geraads, 1980-1982, 1993-1997, 2002, 2004, 2006, 2008), l’impact et l’influence des grands changements climatiques en Europe durant le Pléistocène supérieur demeurent mal connus sur les espèces du Nord de l’Afrique (Geraads, 2002, 2010a ; Stoetzel, 2013 ; Fernandez et al., 2015). C’est durant cette période que les faunes modernes de micromammifères se mettent en place avec la disparition de nombreux taxons, notamment parmi les rongeurs les genres Paraethomys (présent depuis 6 Ma) et Ellobius (caractéristique du Pléistocène moyen) (Geraads, 2010b, 2012 ; Stoetzel, 2013).

 Dans l’Axe 2 de ChroMed, il s’agira donc de documenter les origines mammaliennes, domaines vitaux, voies de passage et timing migratoires (e.g. détroit de Gibraltar et/ou littoral sud-méditerranéen) en relation avec les phases climatiques rigoureuses des stades isotopiques 2 (cf. Heinrich Events) 4 et 6, ou celles plus humides et tempérées des stades 3. L’impact anthropique sur les ressources d’invertébrés de type marin ou terrestre (escargotières) sera aussi abordé. De fait, pour chaque horizon stratigraphique, les associations taxonomiques seront analysées avec les outils de la paléoécologie et de nouveaux aspects méthodologiques (e.g. adaptations alimentaires et locomotrices, disponibilité de la biomasse mammalienne, turnovers, diversités, etc…). Par ailleurs, l’analyse combinée du matériel dentaire des grands mammifères en méso/micro usure dentaire permettra de comparer chacun des horizons et d’inférer des couverts végétaux en relation avec les paléo-températures et les signatures isotopiques. Enfin dans ce même Axe 2 une attention particulière sera portée pour la première fois à la recherche systématique de restes d’Arganier (Argania spinosa) dont le fruit est particulièrement nutritif et le bois un excellent combustible mais qui n’a jamais été signalé dans les gisements archéologiques du Pléistocène avant son exploitation au Moyen-age.

 Ces groupes humains seront au cœur de l’Axe 3 et les dates, pour le début de la culture atérienne au Maroc à environ 145 000 ans BP et autour de 29 000 ans BP pour la phase la plus récente, seront testées dans les niveaux anciens des gisements. A Bizmoune et El Khenzira les niveaux ibéromaurusiens pourront être calés afin de voir si cette culture est apparue au sud de façon plus rapide qu’on ne l’imaginait. Pour les niveaux les plus anciens la recherche d’indices de comportements « modernes » (colorants, production de lamelles, exploitation des mollusques marins et terrestres…) bien ancrés dans les séquences MSA en Afrique sub-saharienne sera systématique.

 L’opportunité qu’offre ChroMed d’une approche chronologique et paléoenvironnementale globale avec les Axes 4 et 5 est essentielle car tous les sites récemment fouillés sont exclusivement concentrés le long de l’étroite bande de terre entre les montagnes de l’Atlas, du Rif et le littoral, près de Casablanca, Rabat et de l’Oriental. Ces deux axes dont une grande partie des données sera commune, s’attacheront à restituer la dynamique paléogéographique du corridor côtier méditerranéen et atlantique en ciblant les grands enregistrements du Pléistocène supérieur grâce à l’analyse combinée des données de la géomorphologie et de la géomatique à haute résolution (e.g. paléorivages). La dynamique paysagère des contextes archéologiques permettra ensuite de voir si les occupations humaines et animales ont pu être influencées par des changements climatiques. Une attention particulière sera portée à la mise en évidence de paléo-réseaux fluviatiles pour appréhender d’éventuels contacts sub-sahariens dont Bizmoune pourrait être un premier jalon.